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Interview afterlife de Kurt Cobain

Dans la pénombre d’une forêt où le silence vibre comme un larsen et où les voix perdues résonnent entre les arbres, Riffs and Beats s’est retrouvé face à Kurt Cobain, non pas l’icône figée dans la tragédie, mais l’âme tourmentée, toujours en quête, toujours à vif. Il n’y avait ni scène, ni projecteur, seulement un tronc brisé, deux tasses de café amer, et la douleur de tout ce qui n’a jamais été dit.

Riffs and Beats
Kurt, si tu marchais dans les rues du monde d’aujourd’hui, qu’est-ce qui te frapperait le plus dans l’état de notre société ?

 

Kurt Cobain
Je pense que ce qui me frapperait le plus, c’est à quel point tout est devenu performatif. Les gens façonnent leur identité comme des marques maintenant, diffusant sans cesse des versions d’eux-mêmes pour suivre le rythme, rester visibles, être validés. C’est comme si la réalité avait été remplacée par des filtres et des abonnés. Je me suis toujours senti comme un outsider même au sommet de la célébrité, mais aujourd’hui on dirait que même les marginaux sont obligés de jouer le même jeu. Il y a cette illusion de liberté, tout le monde a une voix, une plateforme, mais c’est plus comme si tout le monde criait dans le même vide surpeuplé. Je crois que j’aurais juste envie de fuir tout ça et de me cacher dans un sous-sol avec un magnétophone et une guitare.

 

Riffs and Beats
L’industrie musicale a radicalement changé. Comment réagirais-tu à la domination des algorithmes et des réseaux sociaux sur la découverte musicale ?

 

Kurt Cobain
Pour être honnête, c’est un cauchemar pour moi. La musique était censée être une rébellion, un refuge, une sorte de chaos organisé. Aujourd’hui, on dirait qu’elle a été domestiquée, enfermée dans des cases bien nettes pour nourrir les dieux de l’algorithme. Je comprends, la visibilité est devenue primordiale, mais le prix à payer, c’est que le vrai risque, cette vulnérabilité, est gommée. Les artistes sont formés à penser comme des marketeurs, à courir après les tendances au lieu de la vérité. Je détestais déjà penser à comment vendre un disque, je voulais juste hurler, me confesser, saigner un peu. Si j’avais dû penser à des taux d’engagement ou à des hooks TikTok, j’aurais implosé encore plus vite.

 

Riffs and Beats
De nombreux artistes parlent aujourd’hui ouvertement de santé mentale. Est-ce que cela t’aurait aidé ?

 

Kurt Cobain
D’une certaine manière, je pense que cela aurait été un soulagement. À l’époque, admettre que tu souffrais mettait les gens mal à l’aise, il y avait encore ce côté macho dans le rock où il fallait prétendre être invincible, ou au moins mystérieux. J’essayais d’écrire ma douleur dans mes chansons, mais en dehors de la scène, c’était difficile de trouver des gens qui voulaient vraiment l’entendre sans chercher à la réparer, l’exploiter ou la romantiser. Aujourd’hui, il y a plus d’espace pour ce dialogue, plus d’honnêteté. Mais je m’inquiète aussi qu’on commence à monétiser la douleur, que ton traumatisme devienne ta marque, ta vulnérabilité ta monnaie. Et ça, c’est dangereux aussi. Ce dont j’avais besoin, ce n’était pas qu’un post sur la dépression devienne viral. J’avais besoin que quelqu’un s’assoie dans le noir avec moi sans chercher à expliquer.

 

Riffs and Beats
Aurais-tu accueilli à bras ouverts le retour des sons bruts et lo-fi dans l’indé moderne et les groupes inspirés par le grunge ?

 

Kurt Cobain
Je trouve ça magnifique de voir de nouveaux groupes prendre une guitare et la faire hurler, pas parce qu’ils veulent un contrat, mais parce qu’ils ont quelque chose qui brûle en eux. C’est ça, le grunge à l’origine : laid, honnête, réel. Et j’entends cet écho aujourd’hui chez certains artistes lo-fi, ceux qui croient encore aux concerts dans les sous-sols, à l’éthique DIY, au cri cathartique dans un monde qui s’en fout. Mais je serais prudent. Je leur dirais de ne pas tomber dans le piège de la nostalgie, de ne pas porter de flanelle juste parce qu’on en portait. Ne copiez pas le son sans comprendre la douleur qui l’a créé. Si vous voulez être bruts, soyez-le avec votre vie, votre époque. Faites votre propre bruit, pas un fantôme du nôtre.

 

Riffs and Beats
Que penses-tu de la manière dont ton image et ton héritage sont utilisés aujourd’hui ?

 

Kurt Cobain
C’est surréaliste. Je suis devenu un symbole de choses que je n’ai jamais voulu incarner : la rébellion, le martyre, le génie torturé. Les gens projettent énormément sur moi, et je comprends, on a tous besoin d’icônes, mais j’étais juste un gamin paumé avec une guitare et trop de pensées. C’est douloureux de voir mon visage sur des t-shirts vendus par des boîtes que j’aurais détestées, mes citations sorties de leur contexte et balancées dans des algorithmes qui propagent la même fausse rébellion que j’essayais de fuir. Je ne voulais pas être une statue. Je voulais être humain, imparfait, effrayé, en colère, perdu. Si je pouvais espérer une chose, c’est que les gens voient au-delà du mythe et entendent les failles dans la voix, la vérité dans le bruit.

 

Riffs and Beats
Vois-tu de l’espoir chez la jeunesse actuelle ?

 

Kurt Cobain
Clairement. Ils sont audacieux, bruyants, ils refusent d’avaler les mêmes vieux mensonges. Je vois cette flamme en eux, pas juste pour créer, mais pour déconstruire, questionner, reconstruire. C’est quelque chose en quoi j’ai toujours cru. Mais je vois aussi à quel point ils sont épuisés. Il y a cette pression constante à être radical, parfait, éveillé en permanence. C’est un poids lourd. Je voudrais leur dire que c’est OK de faire une pause, de respirer, de ne pas tout savoir. Parfois, juste survivre un jour de plus est l’acte le plus radical qui soit. L’espoir ne ressemble pas toujours à une émeute. Parfois, c’est un murmure qui refuse de mourir.

 

Riffs and Beats
Qu’est-ce qui, selon toi, s’est perdu dans la musique d’aujourd’hui ?

 

Kurt Cobain
Il manque une forme de pureté, ce sentiment de faire de la musique parce qu’on en a besoin, pas parce qu’elle pourrait devenir virale. On enregistrait sur des vieilles cassettes, dans des garages avec des micros pourris, et ça sonnait comme de la merde, mais c’était à nous. Aujourd’hui, tout est poli, autotuné, compressé jusqu’à être plat. Ce n’est pas les notes que tu joues qui comptent, c’est le silence entre elles, les défauts humains, les ratés, le souffle avant le cri. C’est là que l’âme vit. On a échangé ça contre la perfection, et quelque chose de sacré s’est perdu dans ce troc.

 

Riffs and Beats
Aurais-tu eu envie de collaborer avec des artistes actuels ?

 

Kurt Cobain
Pour moi, la collaboration n’a jamais été une question de célébrité, c’était une question de connexion. Je pense que j’aurais été attiré par ceux qui n’ont pas peur de l’inconfort, qui creusent dans les choses bizarres. Des artistes comme Phoebe Bridgers, qui porte sa tristesse comme une armure, ou quelqu’un d’abrasif et de hors-norme comme JPEGMAFIA, ils ne rentrent pas dans les cases, et c’est ça qui les rend intéressants. Mais je n’aurais pas voulu faire un duo bien produit ou sortir un feat surprise. J’aurais préféré m’asseoir sur un sol sale, brancher un câble, et voir quel beau chaos on pourrait créer ensemble. C’est là que je me sentais le plus vivant, dans l’instant brut et sans filtre.

 

Riffs and Beats
Que ressens-tu quand on dit que tu as parlé pour toute une génération ?

 

Kurt Cobain
C’est un honneur étrange, et un fardeau étrange. Je n’ai jamais voulu parler pour qui que ce soit. J’écrivais ce que je ressentais parce que je ne savais pas comment le dire à voix haute. Que ça ait trouvé un écho signifie que d’autres ressentaient la même confusion, la même rage et tendresse, mais je n’ai jamais voulu être une voix de quoi que ce soit. J’étais un reflet, un miroir fêlé tendu vers une culture qui n’avait pas de sens pour moi. Si les gens se sont reconnus là-dedans, alors peut-être qu’on essayait tous juste de trouver notre place dans un monde qui ne ressemblait jamais vraiment à un foyer.

 

Riffs and Beats
Si tu pouvais dire une seule chose à ta fille aujourd’hui, que dirais-tu ?

 

Kurt Cobain
Je lui dirais que je suis désolé. Pas seulement d’être parti, mais pour le poids qu’elle a dû porter à cause de mon absence. Je lui dirais que je l’aimais plus que je n’ai jamais su l’exprimer, et que rien de tout ça – le chaos, les gros titres, le silence – n’était de sa faute. J’espère qu’elle a trouvé le moyen d’écrire sa propre histoire, une histoire qui ne soit pas nouée à la mienne. Et je voudrais qu’elle sache que s’il reste une lumière dans mon nom, c’est à elle de la porter, ou de la laisser derrière.

 

Alors que la lumière déclinait et que le vent portait le bourdonnement lointain d’un ampli, Kurt se leva, hocha la tête une fois, puis disparut entre les pins, sans drame, sans salut final. Juste l’écho d’une voix qui refusait d’être oubliée.

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