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Trouble In The Message Centre – Blur

Paranoïa sur les ondess

Alors que Parklife était l’explosion pop technicolor de Blur, Trouble in the Message Centre est l’enseigne au néon à moitié cassée dans un coin, mal à l’aise, palpitante. Au milieu de leur album classique de 1994, c’est la chanson qui murmurait vers où le groupe se dirigeait vraiment alors que tout le monde chantait encore sur les cockneys et les petits pois marrows. C’est la paranoïa enfermée dans des boucles de batterie et la poussière analogique, pas la Britpop avec une pinte et un clin d’œil.

 

Dès la première pulsation glaciale de synthé, on reconnaît que l’on n’est plus à Camden. Alors qu’Alex James verrouille une ligne de basse mi-écho dub, mi-battement urbain, la guitare de Graham Coxon tranche, dissonante et lointaine. À moitié diffusion, à moitié effondrement, saturée de distorsion comme s’il jouait depuis le sous-sol d’une tour de télécommunication en train de s’effondrer, la prestation vocale de Damon Albarn. Peut-être l’est-il aussi. Les mots, disjoints et résignés, dépeignent une scène de malentendu à l’ère de l’information. Blur en avait déjà assez du signal avant même que nous comprenions ce que voulait dire « devenir viral ».

 

On oublie facilement à quel point cette chanson sonnait rebelle en 1994. Alors que la Britpop était surtout occupée à ressusciter les fantômes des Kinks et des Beatles, Blur, toujours un peu plus sage et étrange que leurs collègues, écoutaient déjà Wire, Kraftwerk et Public Image Ltd. Trouble in the Message Centre est le résultat de cette peur post-punk filtrée par le gonflement de la Britpop des années 90. C’est froid, tendu, nerveux.

Blur a réalisé un album qui est à la fois un brillant disque pop et un portrait incisif et plein d’esprit de la vie britannique en 1995.

 

(John Harris, NME, 1995)

Autrefois qualifiée de chanson parlant « du fossé entre la connexion humaine et le bruit synthétique », Albarn ressentait ce conflit dans chaque battement mécanique et chaque soupir digital. Ici, il n’y a ni catharsis ni chœur prêt pour un chant collectif. Seulement la désintégration progressive d’un système qui envoie trop de communications sans en comprendre aucune. C’est l’aliénation d’un modem à connexion bas débit.

 

Trouble in the Message Centre était un marqueur parfaitement juste. Loin du pub et du banc du parc, Blur serait bien lancé dans 13 quelques années plus tard, écrivant des chansons sur le sevrage héroïque et l’angoisse existentielle. Le témoin lumineux d’alerte du tableau de bord était ce morceau. Et toutes ces années plus tard, il clignote encore, inquiet, vif, et presque prophétique.

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