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Two Months Off – Underworld

Danser avec les fantômes du futur

À l’arrivée de Emerging en 2002, Two Months Off avait déjà confirmé la place d’Underworld en tant qu’alchimistes de l’électronique. Born Slippy .NUXX avait offert aux années 1990 son hymne à la descente chimique, incarnant à la fois les sommets et le vide qui suivait. Pourtant, ce morceau ne naît ni de l’épuisement ni de la joie. Il surgit bien plus loin, d’une phase de regroupement. Darren Emerson avait quitté le groupe. Rick Smith et Karl Hyde avaient été séparés un temps. Ce qui revient est quelque chose de plus chaleureux, plus lâché, mais toujours vibrant, caressé par la lumière du soleil.

Comme un système qui se remet en ligne, le morceau débute en douceur. Des arpèges d’attente montent, mais sans se presser, superposés avec parcimonie. La voix de Karl Hyde semble être une transmission venue d’un endroit juste hors de portée, intime mais fragmentée. « You bring light in », répète-t-il, moitié observation, moitié mantra. Comme toujours avec Underworld, les paroles sont plus impressionnistes que narratives : pas des récits, mais des aperçus d’expériences. Un scénario sans émotion.

Il y a ici un équilibre qui le distingue des œuvres précédentes. Bien que jamais agressifs, les rythmes sont nets. Les lignes synthétiques inspirent profondément. La montée est patiente. Elle s’ouvre plutôt qu’elle n’explose. C’est de la musique de danse, oui, mais pas pour un coin obscur d’entrepôt. C’est de la musique en plein air, pour la clarté et le mouvement. On avance, on marche vers l’avant plutôt que de fuir quelque chose. Two Months Off est une leçon de modération et de tonalité, après des années marquées par l’extravagance plus brute de la techno ou de la trance.

Nous voulions créer une musique qui ressemble à la sensation du soleil sur ton visage après une longue nuit dehors.

(Karl Hyde, The Face, 2002)

Le contraste a toujours été excellent chez Underworld, entre ordre et anarchie, entre rythmes entraînants et poésie abstraite. Ce morceau capture cela parfaitement. On dirait une composition consciente du temps écoulé, du pouvoir changé, mais dont le battement reste présent. En concert, au casque, dans les rues de la ville, la chanson est rapidement devenue populaire. Elle semblait contemporaine sans suivre les modes, nostalgique sans tomber dans le cliché.

C’est précisément cette retenue à crier qui a permis à Two Months Off de trouver sa connexion à son époque. Elle offrait une libération sans drame. Elle montrait que la musique électronique pouvait vieillir, réfléchir, respirer. Underworld a découvert une fréquence différente durant une année marquée par le bruit, la méfiance, et la surproduction. Et ils nous ont rappelé que le silence est parfois le son le plus puissant, même dans la musique dance.

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