Quand le punk est devenu post-punk/h3>
Si le punk avait un bouton Eject, 12 X U en serait un. Avec ses à peine deux minutes, le morceau de clôture de Wire sur Pink Flag (1977) a fait sauter les gonds. Avec ses coups de guitare tranchants, son tempo effréné et son titre délibérément énigmatique (allez, prononcez-le à voix haute), 12 X U est une pure compression d’idées, d’énergie et d’attitude. Le tout compacté dans un poing qui ne se desserre jamais.
Wire n’a jamais voulu faire partie d’une scène. Tandis que leurs camarades du circuit punk londonien affinaient encore leurs hymnes contestataires à trois accords, Wire pensait déjà en fragments, en vide négatif et en minimalisme sonore. Le chant sarcastique de Colin Newman semble se moquer de l’idée même de frontman, distant, agacé, brillamment détaché. Ce n’était pas du punk rock comme tribune pour la révolte de la jeunesse. C’était du punk comme art abstrait, craché à travers une sono.
Le groupe n’existait que depuis un an lorsqu’ils ont enregistré Pink Flag, et 12 X U en était le point d’exclamation. Rapide, intelligent et chargé d’ironie, il clôt l’album comme une lame de guillotine ultra fine. Les paroles ressemblent à un télégramme de rupture tapé par quelqu’un qui est déjà à moitié parti. Pas de place pour les nuances, aucun intérêt pour la tendresse. Juste un adieu mordant et sarcastique enveloppé dans un riff en scie circulaire. Bruce Gilbert et Graham Lewis tentaient de démonter la chanson tout en restant à l’intérieur.
« 12XU » est une chanson classique de Wire, une décharge furieuse d’énergie punk d’une minute et cinquante-cinq secondes qui clôt Pink Flag avec un sentiment de finalité exaltante.
(Jon Savage, magazine Sounds, 1977)
Le génie de Wire réside dans le fait qu’ils ont remis en question leur propre raison d’être. Pourquoi étirer une chanson à trois minutes quand 90 secondes peuvent faire plus de dégâts ? 12 X U a établi une nouvelle référence en matière de brièveté et de brutalité. On retrouve son ADN dans l’explosion hardcore du début des années 80, mais contrairement à la plupart de ces groupes, Wire possédait une précision issue des écoles d’art cachée dans la fureur. Ils jouaient vite, mais intelligemment.
Même le titre, apparemment dénué de sens au premier abord, est une grenade linguistique : « one two X U » = « one to ex you » = “je veux te rayer de ma vie.” Une rupture, une suppression, un refus d’entrer en contact. Voilà Wire : réduire la communication à des codes, des slogans et des silences stratégiques. En ce sens, 12 X U n’est pas juste une chanson, c’est une philosophie. Pourquoi s’expliquer quand on peut tout faire exploser et repartir de zéro ?