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Bad News – Moon Martin

Un artiste que vous auriez dû connaître

Les premières mesures de Bad News possèdent une qualité étrangement magnétique. Des coups de guitare nets, hachés, comme découpés dans l’asphalte d’une avenue mal éclairée, glissent sous une ligne de basse palpitante. Moon Martin chante comme s’il était adossé à un juke-box dans un restaurant à minuit, les yeux fixés sur le reflet des feux arrière. Sa voix a ce genre de cool qui ne crie jamais, mais brûle doucement. L’arrangement est simple, mais le léger conflit entre mélodie et rythme suffit à allumer un feu discret.

Télé éteinte, Moon Martin ressemblait à un homme qui écrivait à trois heures du matin. Il composait déjà des tubes pour d’autres, Cadillac Walk pour Mink DeVille, bien avant que Bad News ne se mette à tourner sur les ondes françaises. Manteau serré, il laissait la musique parler à sa place, et finissait enfin par entrer dans la lumière. S’il venait de l’Oklahoma, ses chansons semblaient branchées sur les nuits de Paris ou les ruelles de Los Angeles. Bad News, sortie en 1980, filait dans les radios à transistors comme une voiture volée dans le brouillard.

Le morceau ne cherche pas le grand drame. Il glisse. La section rythmique joue comme si elle avait entendu trop de mensonges et savait qu’il ne faut jamais se presser. Comme des néons fatigués, les synthés clignotent. Le solo de guitare entre juste avec ce qu’il faut d’amertume. Martin dit le titre du morceau d’une voix plate, presque finale, comme s’il lisait une mauvaise nouvelle sur un télégramme. Il ne crie pas, ne supplie pas. Il hausse les épaules, allume une autre cigarette et regarde la fille disparaître.

L’une des voix les plus originales de la nouvelle scène pop-rock, mêlant mélodies accrocheuses et style lyrique décalé.

(Billboard, 1980)

Bad News est apparue à une époque où la pop se partageait entre les angles vifs de la new wave et les restes étincelants du disco. Sans appartenir à aucun camp, Moon Martin se tenait au centre, proposant des refrains limpides avec un sourire en coin. Le public français l’a tout de suite compris. Bad News est rapidement devenue un hymne discret pour ceux qui se sentaient mieux derrière des lunettes de soleil. Elle passait en club, dans les voitures, sur des lecteurs cassette qui réclamaient toujours un crayon pour rembobiner.

Cette chanson cache une ville entière. Elle croise des couples silencieux, des regards perdus dans les vitrines, et longe des motels bleutés. Moon Martin n’a jamais cherché à mener la course. Il a laissé des empreintes, simplement. Bad News reste dans l’air parce qu’elle ne cherche pas à se faire entendre. Elle reste cool, continue sa route et ne se retourne jamais.

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