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I Want To Take You Higher – Sly and The Family Stone

Le son d’une ascension collective

Sly Stone vivait dans ce groove, ce battement qui transcende les années, ce groove qui ne s’efface jamais. Avec sa disparition le 9 juin 2025, la musique a perdu l’un de ses architectes les plus visionnaires – pas seulement un innovateur du funk, mais une force qui a profondément transformé la notion même de ce que pouvait être un groupe, une chanson, un message. I Want to Take You Higher semble encore aujourd’hui la représentation la plus fidèle de son esprit, plus que toute autre chanson de son répertoire. Joyeuse, vive, vibrante.

Sortie en 1969 sur l’album Stand!, la chanson est passée de face B à repère culturel en un éclair, portée par une simple phrase qui gagne en puissance à chaque répétition. Sly hurle « Boom shaka-laka-laka » et le monde se décale imperceptiblement. Métissé, inclusif, intensément soudé, The Family Stone évoque une forme d’anarchie que seuls les maîtres savent canaliser. La basse de Larry Graham flotte plus qu’elle ne marche. La trompette de Cynthia Robinson hurle à l’âme comme une alarme incendie. Sept corps partagent un seul battement de cœur, si bien que tout le groupe ne fait qu’un.

Sly Stone n’avait pas besoin de slogans. Sa musique était le mouvement. Plutôt que d’énoncer un manifeste, I Want to Take You Higher rayonne d’une énergie plus sauvage, profondément communautaire. L’extase y est plus révélation qu’évasion. Ensemble, un rythme dans lequel on grimpe. La pluie tombait, la foule grandissait, et cette chanson est devenue un rituel lors de leur célèbre performance à Woodstock. Tout le monde s’élevait, personne ne dirigeait. Le morceau n’était pas joué. Il éclatait.

On aimerait chanter tous ensemble. Et voir ce qui se passe quand beaucoup de gens chantent, car pour des raisons qui ne sont plus vraiment inconnues aujourd’hui, beaucoup refusent encore de le faire. La plupart d’entre nous ont besoin de l’approbation de leurs voisins avant de pouvoir se lâcher, mais ici, on va faire un singalong. Beaucoup de gens n’aiment pas ça. Ils pensent que c’est peut-être démodé. Mais vous devez le ressentir, parce qu’avant d’être une mode, c’est une émotion. C’était à la mode à l’époque, et ça reste valable aujourd’hui.

(Sly Stone, Woodstock, 1969)

Pendant des décennies, cette chanson a laissé son empreinte. Prince en a porté la flamme, tout comme Lenny Kravitz, D’Angelo ou Erykah Badu. On peut l’entendre dans les rythmes de Kendrick Lamar, dans les harmonies d’Anderson .Paak, chez tout artiste assez audacieux pour mêler sensualité et vérité. Sly ne composait pas simplement des morceaux, il élaborait des plans. Parmi eux, Higher se distingue comme un édifice spirituel qui résiste aux fissures.

La chanson résonne autrement maintenant que Sly n’est plus là. Le message, encore en boucle sur la platine une fois la fête terminée, continue de rebondir sur les murs. Un hymne pour les corps qui ont dansé, et pour un esprit toujours en quête. I Want To Take You Higher n’était pas qu’une promesse. C’était une mission. Aujourd’hui, c’est aussi un hommage étincelant, trempé de sueur, à l’homme qui a rendu le plaisir politique et le groove éternel.

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