Là où le blues est revenu en rugissant
Les premières notes descendent comme une pluie torrentielle volontaire et menaçante. Texas Flood, le morceau-titre du premier album de Stevie Ray Vaughan et Double Trouble en 1983, n’est pas seulement une chanson de blues. C’est un phénomène météorologique. Une tempête électrique lente, construite sur le chagrin, l’humidité, et ce type de son de guitare qui semble plus proche de la peau que du son. Initialement écrite et enregistrée par Larry Davis en 1958, la chanson atteint son expression la plus aboutie grâce à Vaughan, dont le jeu sur cet enregistrement transforma une plainte locale en quelque chose de mythique.
Vaughan ne cherchait pas à changer le blues entièrement. Avec brutalité, il le ramenait à la vie. Stevie Ray est entré en studio avec une Stratocaster, un ampli usé, et une mission, alors que les groupes de hair metal dominaient les charts et que les synthétiseurs hurlaient sur les pistes de danse. Texas Flood fut enregistré en grande partie en live, presque brut, et en seulement trois jours au studio de Jackson Browne à Los Angeles. Jamais brouillon, la performance est libre. Il fait plier les notes comme si elles allaient se briser, puis les ramène du bord avec un contrôle impossible.
Bien qu’il y ait beaucoup d’effets techniques ici, la grande force de la chanson ne vient pas de cela. C’est la pièce, l’espace. Vaughan laisse les notes sangloter, saigner, et parfois crier. Il retient juste assez pour laisser la partie lead s’envoler, avec Chris Layton et Tommy Shannon, sa section rythmique Double Trouble. Il n’y a ni vitesse, ni brillant artificiel. Juste de l’émotion, de la tension, de la libération. Les paroles sont presque accidentelles. Répétées comme un mantra, quelques phrases sur la pluie et le chagrin glissent entre les doigts et les cordes pendant que l’histoire vraie se développe.
Texas Flood fut un choc pour le système à sa sortie. Personne ne s’attendait à ce qu’un album de blues soit si puissant dans l’ambiance au néon de la pop du début des années 1980. Vaughan jouait comme s’il avait grandi au carrefour des routes, mais avait l’air de appartenir à un bar routier. La chanson, comme le suggère le nom de l’album, réintroduit le blues à une nouvelle génération, non pas en le modernisant, mais en le rendant inévitable. Il ne l’a pas déguisé. Il l’a amplifié.
Toujours un avertissement et une libération des décennies plus tard, Texas Flood. C’est le son d’une personne, guitare en main, défiant le cœur de la tempête. Stevie Ray Vaughan a fait plus que simplement réintroduire le blues. Il nous a rappelé qu’il n’était jamais vraiment parti nulle part. Il fallait juste quelqu’un d’assez courageux pour le jouer comme si sa survie en dépendait.