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The Specials – Le son de la rebellion ska

Costumes impeccables et rythmes pour esprits en mouvement

Coventry, fin des années 1970. Ciel gris ; difficultés financières ; conflits raciaux. Pas le lieu évident pour la naissance d’un mouvement musical, mais, encore une fois, rien chez The Specials n’a jamais été évident. Formé par Jerry Dammers en 1977, le groupe a émergé des débris du post-punk avec une vision plus claire que des épingles à nourrice et plus forte que des slogans. Utilisant l’intensité du punk et la gravité britannique, ils ont combiné le ska jamaïcain et le rythme two-tone, puis ont dansé droit au cœur d’un pays fracturé.

The Specials ont toujours été plus que de simples musiciens. Ils étaient un mouvement en noir et blanc. La formation elle-même était un message : multiraciale, classe ouvrière, ouvertement peu séduisante. Le chanteur Terry Hall souriait rarement. L’énergie venait de Neville Staple. L’architecte était Dammers, toujours un peu distant. Ils ont transformé les pistes de danse en lieux politiques et ont donné aux vêtements un sens plus profond que le simple clinquant. Les souvenirs rétrospectifs étaient des costumes et des chapeaux pork pie. Ils étaient des uniformes anti-résilience.

Elvis Costello a produit The Specials, leur premier album, qui a frappé comme une émeute dansante en 1979. Chaque chanson bourdonnait de menace, de tristesse et de mouvement ; un message à You Rudy, Concrete Jungle, Nite Klub. Ils ne prêchaient pas. Ils montraient du doigt. Thatcherisme, racisme, chômage, tout ce que la jeunesse britannique essayait d’oublier. La musique pleurait, criait et skankait tout à la fois.

Sur scène, ils étaient un volcan. Les foules explosaient. Des bagarres éclataient. Ce n’était pas du désordre pour le plaisir du désordre. La tempête avait de l’organisation. Puis il y eut Ghost Town. Sorti en 1981 alors que les émeutes et le mécontentement bouillonnaient en Grande-Bretagne, ce n’était pas une chanson de protestation. C’était une prédiction nommée. Ses orgues inquiétantes et son rythme chancelant traduisaient magnifiquement un pays qui tombait en temps réel. Le seul numéro 1 : quelques jours plus tard, le groupe se désintégrait.

Comme tous les grands allumeurs de feu, The Specials ont brûlé rapidement. Puis sont venues les modifications de la formation. Dammers est resté avec The Special AKA et a sorti Free Nelson Mandela, une chanson qui a largement dépassé les frontières de la Grande-Bretagne. Terry Hall a créé Fun Boy Three. Neville Staple et Lynval Golding ont pris leurs propres chemins. Mais le feu ne s’est jamais complètement éteint. Des décennies plus tard, des concerts de retrouvailles ont fait salle comble. De nouveaux albums sont apparus. Et même si certains membres sont partis, leur message est resté.

The Specials étaient extraordinaires non seulement pour leur musique mais aussi pour leur refus de séparer l’art de la vie. Ils écrivaient sur leurs peurs, leurs expériences vécues, leur vision. Ils ont fait reconsidérer à tous ce qui passait dans les enceintes et ont fait danser des enfants blancs sur des rythmes noirs. Ils ont habillé le désespoir et donné un contretemps au désenchantement.

Chaque chant de protestation porté par un groove perpétue leur héritage. Dans chaque groupe qui comprend que la joie et la colère sont des frères et sœurs, pas des opposés polaires. The Specials n’ont pas offert d’évasion. Ils ont donné de l’engagement. Ils ne vendaient pas la révolution. Ils en ont créé l’ambiance. Et pendant quelques courtes et merveilleuses années, ils furent le son du réveil de la Grande-Bretagne.

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